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La joie politique de la dépossession
Une étrange ivresse envahit les communes et les municipalités; celle de céder leurs équipements collectifs, de les transférer aux communautés de commune. Parfois c’est juste un prétexte pour fermer ici, une piscine, là un conservatoire… Pourquoi s’en priverait-on? On construira ailleurs et plus grand.
Même quand les lieux ne disparaissent pas, c’est la capacité de gérer et de décider dans la structure qui s’évapore. On éloigne le pouvoir d’autoriser des événements, de prêter une salle derrière des procédures administratives dissuasives et opaques. Il est ainsi des “directeurs” de structures gérées par “l’Interco”, qui ne disposent même pas du pouvoir d’organiser une réunion dans leurs propres locaux.
Et c’est ainsi que les élus municipaux réalisent au mieux leurs penchants: se débarrasser des structures qui nécessiteraient une intentionnalité, un projet social ou politique. Il restera les fleurs, les ronds points et la sécurité; peut être une fête municipale. De quoi se montrer ou exister publiquement sans prendre trop de risques ou de responsabilités.
En extériorisant les équipements d’intérêt public, en les regroupant, mais surtout en les éloignant des centres de vie et d’habitat, on ne fait pas que simplifier l’administration; on réalise évidemment des économies d’échelle, surtout que les équipements ainsi éloignés seront moins fréquentés. Autant voir petit!
C’est ainsi la vie locale, publique, celle des gens qu’on exporte ! La Ville, la localité , ne seront plus qu’une zone de résidences à surveiller, à pacifier , éventuellement à paysager. Le modèle résidentiel , celui des familles en pavillons, avec quatre voitures garées devant (dont une, électrique) devient ainsi le seul style de vie enviable qu’on normalise et standardise.
La fabrique des perdants
Il y a deux types de perdants ce jeu d’éloignement et de regroupement.
Sur un mode “infra-urbain”, ce sont les habitants des classes populaires qui voient leur territoire se désertifier encore et leur mode de vie quotidienne, se confiner. Eux et particulièrement les jeunes auront le plus grand mal à se déplacer à organiser leurs démarches sur autant de lieux éloignés et différents. Par nature, ils se sentiront loin de tout ce qui les concerne. Il leur faudra motivation, autonomie, projet, pour circuler. Leur vie, leur évolution s’en trouveront d’autant ralenties. Toutes ces démarches fragmentées imposeront leurs délais , leurs échecs , leurs procédures toujours incomplètes.
Sur un mode “extra-urbain”, ce sont les villes les plus populaires qui perdent un par un, leurs services, leurs équipements, au profit des communes et des habitants les plus riches du territoire de l’Interco. Ces derniers bénéficieront d’équipements modernes, plus grands, plus près, renforçant l’attraction des lotissements et des zones de gentrification.
Pour les acteurs sociaux c’est le grand vide. Les administrations intercommunales, trop éloignées des réalités de terrain se contentent d’agir et de produire régulièrement des événements des actions médiatisées, “bon teint”, ponctuelles et sans impact. Le tout est qu’elles soient mises en vitrine , et elles le seront à grand renfort d’affiches présentant une foule d’actions éphémères… ailleurs.
Il est d’ailleurs étonnant d’observer avec quelle facilité les élus s’approprient et se félicitent des événements, des équipements intercommunaux, qui ne sont ni géographiquement, ni humainement sur leur territoire, alors qu’ils auront tendance à dénier l’appartenance à leur territoire, à leur périphérie, des bidonvilles, et des zones de “mal logement”.
“Circulez, il n’y a rien à voir”
Cette mutation de la vie urbaine s’opère à bas bruit. On n’en discute pas ; aucun débat, fût-il démocratique. L’interco est suffisamment éloignée de tout terrain, préservée de toute pression. Et pour autant, elle reste suffisamment “petite” et “locale” pour ne pas avoir à répondre de ses inactions.
Aucune polémique, donc ; nul ne pourrait être en désaccord ; après tout, pour chaque équipement, chaque action, chaque équipement déplacé, regroupé, on pourra dire : “Ce n’est pas si loin”, “c’est la porte d’à côté”.
Notre époque continue ainsi d’ignorer que les véritables distances ne sont pas kilométriques; elles sont sociales, culturelles, économiques.
Autant dire qu’elles sont sans appel.
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