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Éducation populaire, Travail social et Pédagogie sociale - Partie 3: Actualité de la Pédagogie sociale

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Éducation populaire, Travail social et Pédagogie sociale - Partie 3: Actualité de la Pédagogie sociale
15 Juin 2024

Éducation populaire, Travail social et Pédagogie sociale - Partie 3: Actualité de la Pédagogie sociale

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Au travers de cette "Kronik", en trois parties, je me propose d'exposer les points communs et les divergences entre Éducation nouvelle, Éducation populaire et Pédagogie sociale.

Partie 3: Actualité de la Pédagogie sociale

Perte de vitesse de l’Éducation nouvelle

L'éducation nouvelle a substitué à la confrontation éducative et pédagogique, la notion de distance; de même , elle a dynamisé les pratiques sociales en invisibilisant les statuts pour mettre en place des rôles.

Toutefois, la précarisation en cours de la plupart des couches sociales de la société, le déclin de la légitimité et de l'autorité des institutions, ont mis en difficulté les pratiques liées à l’Éducation nouvelle, que ce soit au sein du secteur du Travail social, ou dans celui de l’Éducation populaire.

Les pratiques issues de ce courant, basées sur l'accueil, l'accompagnement, l'individualisation paraissent avoir peu d'impact pour enrayer ou résoudre les problématiques actuelles.

Il semble aujourd'hui devenu nécessaire d'adopter des pratiques éducatives et sociales qui n'auraient pas tant pour but de favoriser l'intégration à la société, que de faire société; non pas l'objectif d'accès à la culture, mais de produire une nouvelle culture; non pas l'objectif d'accéder à des droits, mais d'en créer de nouveaux.

C'est là que la Pédagogie sociale, pensée lors de périodes sombres par les grands initiateurs (Korczak, Freinet, Freire, Radlinska), démontre sa pertinence.

La Pédagogie sociale promeut le travail social et  éducatif en dehors des institutions; met en avant "le aller vers", plutôt que l'accueil, l'initiative sociale partagée plutôt que l'accompagnement et promeut en lieu et place de la notion de distance, celle de proximité pour rompre l'isolement auquel les individus sont de plus en plus réduits.

Du rôle à la fonction

Tandis que la Pédagogie traditionnelle se déployait à partir de la reconnaissance de statuts différenciés,  l’Éducation nouvelle  a mis en avant la notion de "rôle": social, éducatif, parental. Le concept était en effet plus dynamique et s'accordait bien avec une société en prise avec de nombreuses évolutions, révolutions et progrès.

Toutefois, cette même notion de "rôle" touche aujourd'hui, ses limites, du fait de la distance qu'elle impose au sein d'une société trop fragmentée.

Nous vivons au sein d'une société qui a besoin de création et de renforcements de liens. Pour faire sens, les rôles ont besoin d'être partagés, labiles, mobiles et compris en référence avec un projet social qui donne sens à la collectivité et à la communauté.

De ce fait , la notion de "fonction", dans le cadre d'une organisation à construire, prend davantage de sens. Une fonction, en mathématique, est une relation qui unit deux variables.  Et peu importe en effet, qui tient un rôle ou un autre au sein d'une organisation, ce qui compte c'est que la fonction soit remplie. Il n'y a pas de rôles déterminés, que ce soit par le diplôme, le statut, l'âge ou même la compétence générale.  Ce qui compte c'est la capacité de réaliser un travail référé à un collectif et cela ne demande pas forcément de compétences spécifiques très poussées.

Dans une organisation vivante, la plupart des fonctions peuvent être tenues de manière non spécialisée par la plupart des membres et c'est justement cette non spécialisation qui crée et renforce la relation avec la communauté.

Isomorphisme et dissymétrie

La Pédagogie sociale, au delà de la diversité de ses applications dans différents secteurs humains (Santé, Culture, Social, Éducation) , qui nécessite la création d'outils spécifiques à chacune de ces branches, peut  être caractérisée par la jonction de deux principes transversaux dans ses théories et pratiques. Ces deux spécificités sont nommées avec des mots "savants", mais se concrétisent pourtant par des choses assez simples. Il s'agit de l'isomorphisme et de la dissymétrie.

Isomorphisme

La Pédagogie Freinet, par exemple, est entièrement basée sur la notion d'isomorphisme; c'est la pratique directe d'une fonction essentielle qui détermine l’acquisition des compétences . Il n'y a pas de préalable; on apprend à marcher en marchant; à chanter , en chantant; à lire en lisant; et on s'initie à la poésie en produisant des poèmes. Sur un plan plus abstrait, il s'agit de devenir libre, alors qu'on ne l'est pas encore , en agissant comme si on l'était déjà. Ici la Pédagogie sociale et particulièrement Freinet, rejoint la pensée d'un grand philosophe, Emmanuel Kant, qui partait en guerre, contre les "préalables", "les compétences initiales" et cette erreur selon lui de toujours penser l'étude comme précédant la pratique, alors que selon lui, la pratique doit toujours être première, précédant la pensée, ou même la conscience.

L'isomorphisme permet d'éviter certaines "impostures démocratiques" qui conditionnent l'exercice d'un droit fondamental à la reconnaissance et la validation externes de compétences préalables.

C'est également le meilleur moyen d'échapper aux facteurs de domination et de confiscation de droits, pratiques sociales et culturelles, réservées depuis toujours à une élite.  Or l'élitisme, au sein de notre société est actuellement remis au goût du jour du fait de l'accentuation et de la banalisation des inégalités sociales et culturelles.

Une pratique sociale, culturelle, éducative, libérée des "préalables", permet une "clarté cognitive" quant aux moyens et aux buts poursuivis qui facilite l'intégration des individus au sein d'un collectif et d'une organisation.

Dissymétrie

Le second principe en Pédagogie sociale est parfois plus difficile à saisir; il s'agit de la dissymétrie nécessaire pour lancer une initiative sociale ou pour bâtir un collectif. La création, l'initiative , en Pédagogie sociale, n'ont rien de spontané. Il ne s'agit pas de lancer une idée, comme par exemple, celle de proposer aux habitants d'un quartier d'ouvrir une "cantine sociale", puis ensuite d'observer comment le groupe se constitue , comment les individus s'en emparent. Si on procède ainsi, il y a gros risque, que l'on constate une dichotomie entre ce que les gens réclamaient (la cantine sociale) et leur propre capacité à s'emparer de l'idée, et réaliser le projet. Du coup, le "lanceur d'idée" risque fort d'en conclure que les gens ne sont pas mûrs politiquement, pour innover socialement.  Il est probable qu'un fort découragement en découle, tant pour l'initiateur de l'idée que pour les gens qui auront échoué.

Saül Alinsky avait bien compris ce point, lui qui encourageait les "Community organizers" à ne se lancer que dans des petites actions qui devaient toujours déboucher sur une victoire.

Ce n'est pourtant pas ce que proposent les pédagogues sociaux. Ils ne conçoivent pas de limiter les objectifs à la faible capacité préalable des groupes, mais au contraire de se saisir de projets ambitieux en termes d'améliorations de la qualité de vie de ses membres. "Les aigles ne prennent pas l'escalier", avait coutume d'écrire Célestin Freinet.

Et pour éviter l'échec annoncé de ceux qui ne sont pas relégués pour rien, car ils cumulent toutes les difficultés et entraves,  la Pédagogie sociale a mis en place ce principe de dissymétrie.

Les pédagogues sociaux sont déjà eux-mêmes organisés et ils apportent au projet , au collectif cette organisation pré-existante, comme une sorte de greffe. "Le public peut et nous, nous devons"; tel est le leitmotiv de ce principe asymétrique. Il s'agit de mettre en œuvre une différence de potentiel qui assure et qui rassure les individus bénéficiaires, pour se lancer dans une initiative sociale et collective.

De tels principes peuvent paraître abstraits; pourtant à l'usage, dans la pratique, ils sont compris par tous, y compris les enfants, car ils sont en quelque sorte "naturels".

Par cette dissymétrie, la Pédagogie sociale apporte une dynamique, une énergie sociale qui permet de sortir du fatalisme dans lequel sombrent de plus en plus nombreux de nos contemporains.

Combinés, les principes d'isomorphisme et de dissymétrie produisent des actions durables qui permettent de bâtir des collectifs de type communautaire, à partir d'individus , d'âges , de cultures et d'influences très différents.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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