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Éducation populaire, Travail social et Pédagogie sociale - Partie 1: l'invention de la distance

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Éducation populaire, Travail social et Pédagogie sociale - Partie 1: l'invention de la distance
27 Mai 2024

Éducation populaire, Travail social et Pédagogie sociale - Partie 1: l'invention de la distance

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Au travers de cette "Kronik"et des deux qui vont suivre, je me propose d'exposer les points communs et les divergences entre Éducation nouvelle, Éducation populaire et Pédagogie sociale.

 

Partie I: l'Invention de la distance

Des origines communes, liées à l’Éducation nouvelle,  du Travail social et de l'Education populaire

Les origines historiques des pratiques sociales, éducatives et pédagogiques, communes à l’Éducation populaire et au Travail social (éducation spécialisée) , sont connues et largement documentées: pensée de l’Éducation Nouvelle , à partir de JJ. Rousseau, expériences de Pédagogie nouvelle, qui ont progressivement inspiré des actions d'abord bénévoles, puis , progressivement professionnelles, aboutissant à la conception de "métiers" et de structures dédiées.

Ce qui est souvent moins bien analysé et observé, c'est la conception philosophique commune à ces deux courants, axée sur les notions d'environnement et de cadre, directement héritées de la pensée utopiste et (pré) romantique qui a marqué la fin du XVIIIème siècle.

Le génie de la pensée de l’Éducation nouvelle repose sur un nouveau libéralisme. L'éducation, n'est plus vue comme le résultat d'un rapport de force, d'une confrontation ou l'imposition de modèles comportementaux depuis les institutions sociales et politiques.

Le rôle de l'environnement et du cadre

S'appuyant sur l'intuition de l'auteur de l’Émile, la nouvelle pensée éducative , délaisse le face à face de l'éducateur et de "l'éduqué", qui entraîne passivité et résistances ,  et privilégie une éducation basée sur l'activité personnelle de l'apprenant, dans un cadre structuré, choisi et contrôlé par le pédagogue "nouveau".

La Nature, dans un premier temps, puis l'éloignement de la Ville et de la société jugées dangereuses en termes d'influences , sont recherchés afin de provoquer et contrôler l'activité et l'évolution des publics bénéficiaires.

L'idée est que l'apprenant construise lui-même ses apprentissages et ses comportements dans un "cadre" sélectionné et géré par l'éducateur; ce qui est un changement considérable.

Toutefois, une base indiscutée demeure commune avec la pensée de l’Éducation traditionnelle: le contrôle des influences extérieures, que celles-ci soient familiales ou sociétales.

Le passage du statut au rôle: la distance éducative comme outil

La pédagogie traditionnelle, autoritaire et souvent violente repose sur une stricte différenciation des statuts des protagonistes des relations éducatives. Le maître est le maître quoi qu'il arrive et il se présente d'abord à partir de cette différence de statut.

Que ce soit au sein de la famille ou de la société, la pédagogie traditionnelle repose sur une conception volontairement inégalitaire des places.  C'est justement de cette inégalité que tous les progrès et apprentissages sont censés se produire dans cette école de pensée.

Bien entendu, nous relevons à ce stade que cette pensée éducative "traditionnelle" ou"traditionnaliste" reste encore très présente dans les conceptions de nos contemporains et de nos gouvernants, ne serait-ce que dans la nostalgie entretenue d'un ordre et d'une harmonie perdus. On fustige "la perte des repères", c'est à dire le regret de cette inégalité des places, perçue comme une vérité immuable,  un "ordre naturel", salutaire et bon par "nature".

Bien entendu cette confrontation à l'inégalité des statuts et des places, considérée comme la justification et la manifestation d'une autorité indiscutable, nécessitait une forme de proximité, ne serait-ce que dans la confrontation et le "face à  face".

On identifie en général assez mal ce que la pédagogie traditionnelle devait à une société où les classes sociales, bien que profondément inégales, se confrontaient au quotidien.  Sous l'ancien régime, nobles et roturiers se croisent en permanence; jusqu'au XIXème siècle, les patrons et les ouvriers se côtoient et se connaissent bien. Les inégalités de statut fonctionnel ou social n'entraînent pas mécaniquement de la distance entre les protagonistes.

A partir du moment où la pensée de l’Éducation nouvelle se répand, au moins sous la forme d'un idéal , on observe une forme "d'invisibilisation" des différences de statut et de destin social . Le Maître n'apparait plus comme un maître, mais comme un compagnon; ce brouillage d'une inégalité statutaire, au profit d'une forme d'autorité fonctionnelle, liée à la prédominance de la notion d'environnement ou de cadre.

La notion d'accompagnement et le mythe du "passage"

La focalisation sur l'activité propre du bénéficiaire de la relation éducative ou sociale , entraîne une distance inédite de la part du pédagogue, de l'éducateur, qui se mettent volontairement en retrait, privilégiant des position d’ingénierie, d'observateurs et d'évaluateur.

Bien que côte à côte, l'éducateur et l'éduqué , dans la conception de l’Éducation nouvelle ne sont pas inégaux, mais distants. Le sujet concerné par le projet éducatif, social, sanitaire ou culturel, est placé au centre de la relation.  Son individualité est affirmée à l'occasion de cette centralité. Il devient certes acteur de son évolution, mais aussi comptable de sa propre activité et in-fine de son évolution.  La notion d'individu occidental, préfigurée par la pensée pré-romantique et rousseauiste comme coupée de la société, et "pure solitude" s'impose dans l'imaginaire des acteurs sociaux.

C'est cette condition de "pure solitude" qui conduit à la création d'une distance sociale et éducative.

De ce fait, l'éducateur "nouveau" a tendance à se voir et se considérer lui même comme un simple accompagnateur, c'est à dire comme une personne qui tient un rôle provisoire vis à vis d'une autre personne. La relation qui en découle est limitée à une situation donnée.

Ce rôle d'accompagnement , de passage, "d'accès", reste à ce jour, centrale dans les représentations professionnelles des travailleurs sociaux, des animateurs socio-éducatifs, voire aussi parmi les enseignants.

Cette idée de la relation, pédagogique, éducative, justement car elle n'est que passagère, exprime bien ce que ce type de relation peut avoir d'unilatéral; le but, c'est que l'enfant, le jeune, la personne accompagnée change au cours du parcours, sans jamais rien changer en retour chez l'accompagnateur ou pour la structure dans laquelle il travaille.

Or, cette notion de distance éducative et sociale, liée à la Pédagogie nouvelle, de l'acte socio-éducatif reposant sur l'idée d'un passage, d'accès aux droits, de rétablissement, était globalement convaincante dans un environnement économique et politique, de plein emploi, de progrès et de croissance.  Au sein d'une "société cohésive" par ailleurs, l'imposition d'une distance sociale et éducative, dans le domaine de l'éducation était facilement acceptable. Dans un contexte socio-politique de régression des droits sociaux et d'explosion des discriminations  et d'exclusion, ce primat de la distance ne peut plus être qu'en crise.

Sans surprise, aujourd'hui c'est ce principe "de distance", voire de "neutralité", qui pose actuellement le plus de problème et qui se retrouve au cœur de nombreux conflits.

 

 

 

 

 

 

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