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Comprendre la logique des publics précaires

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Comprendre la logique des publics précaires
14 Avr 2024

Comprendre la logique des publics précaires

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La précarité n'est pas la pauvreté car elle n'induit pas du tout la même attitude dans la vie. Le pauvre a peu; mais ce peu , il s'emploie constamment à en faire un "peu plus".  Ce peu est maîtrisé et détermine des stratégies de survie et de créativité qui génèrent également de la solidarité et de la coopération avec d'autres qui comme eux, ont peu.

C'est un peu qui est "commun" à d'autres , qui détermine une expérience partagée, qui ne déprime pas mais pousse au contraire à la relation avec les "autres comme nous".

Ce qui frappe la société occidentale depuis plus de quarante ans n'est pas encore ou pas seulement la pauvreté; c'est autre chose, c'est la précarité. La précarité génère de l'isolement social, des attitudes de repli et dépressives et surtout interdit de ressentir, de vivre et comprendre que le vécu individuel peut être un pont avec les autres. Chaque précaire vit sa précarité comme une lutte qui l'épuise et qui se déploie en priorité et avec intensité vis à vis de ses plus proches. Nul n'est plus ressenti comme l'ennemi ou le rival du précaire, qu'un membre de sa propre famille, son voisinage, ou les autres "comme soi".

Le problème est que l'action éducative, sociale, et même socioculturelle appréhende toujours le public frappé de précarité avec des instruments qui avaient été conçus et pensés pour des publics pauvres. Les pratiques des professionnels et des institutions ne se sont pas modifiées; elles se sont juste ... précarisées!

Nous restons au sein du champ professionnel éducatif, sanitaire et culturel, dans une logique "d'accès" et de "facilitation", que nous imaginons mettre en œuvre depuis des "mesures d'accompagnement".  Cela fonctionnait assez bien, en effet avec les publics "pauvres".

Ça ne fonctionne plus du tout avec les groupes précaires. On peut toujours les accompagner vers un stage, un emploi , un logement, une mesure d'autonomisation, mais dès qu'on les lâche, tout se détériore et encore ce petit temps d'amélioration dépendra du fait qu'on aura réussi à contacter, accrocher ou pas les personnes concernées.

Ce qui peut éventuellement accrocher un temps , une personne précaire, à une forme d'insertion, d'accompagnement  ou d'accès à un droit, ce n'est pas le projet en lui même , qui le laisse perplexe, incrédule et angoissé, c'est la relation éventuelle de qualité qui le sortira peut être un moment de sa solitude.

L'acteur socioéducatif n'a tout simplement pas le même projet que la personne précaire et il aura beau faire signer à celle-ci tous les contrats du monde , à conditionner les allocations, à le menacer d'exclusion , il obtiendra le résultat inverse de ce qu'il recherche. Non seulement le précaire ne s'accrochera pas à "son" projet , mais il aura toujours tendance à être défaillant, disparaître, ou pire à simplement "faire semblant".

Cette constante surdétermine par avance toutes les opérations "d'aller vers" , ou du développement du pouvoir d'agir, de la part des équipes et des institutions, au risque de décourager à terme les "acteurs sociaux",  d'inspirer chez eux un certain cynisme social, ou tout simplement la perte du sens du travail qu'on accomplit.

Cette logique qui consiste à rechercher avec le précaire "des places" se heurte en effet à une entropie; la place nouvelle n'amène au précaire qu'une amélioration temporaire, car ce dont il a besoin , fondamentalement, ce n'est pas d'une place, mais de liens authentiques et durables.

Or tout est fait dans nos métiers , dans nos missions, pour que nous soyons incités à développer une distance meurtrière vis à vis du vécu et du ressenti des personnes précaires.

Travailler en direction de publics précaires suppose de développer pour les acteurs sociaux une nouvelle forme de professionnalité qui ne s'appuie pas sur la maîtrise des dispositifs, mais sur celle de la relation.

Cette forme de professionnalité là s'acquiert peu dans les centres de formation , poussés au contraire vers l'enseignement de plus en plus de techniques et de savoirs formels et relatifs.

Elle s'acquiert tout aussi difficilement à travers les stages, centrés sur l'acquisition de modèles surannés, depuis lesquels on ne perçoit la réalité des publics qu'au travers de la lentille déformante des objectifs de cette même institution.

Se former à la compréhension de la précarité, de ses logiques et de son fonctionnement présuppose d'accepter de mettre en doute quantité d'aprioris et de postulats qui sont à la base de l'histoire des institutions et des pratiques de nos secteurs.

Cette "vue de dessus", indépendante et réaliste  est essentielle pour tout simplement créer le lien indispensable avec ces publics, avant toute forme de programme, de cadre ou de dispositif. C'est juste nécessaire pour pouvoir agir.

Car la réalité est là: on ne peut accrocher l'autre, privé d'attaches que si on est soi-même suffisamment accroché à une vision globale de notre travail, à une pédagogie, à une position claire, et à la conscience de ce qui nous arrive.

 

 

 

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