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Axiomes de Pédagogie sociale

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Axiomes de Pédagogie sociale
29 Fév 2024

Axiomes de Pédagogie sociale

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Importance sociale et distance institutionnelle

Les invariants de l’empêchement

Les pratiques en Pédagogie sociale rencontrent partout où elles se créent et se développent à des difficultés semblables.

Certaines d’entre elles ont même été connues, vécues et “théorisées par les “Pères fondateurs”. Nous connaissons ces constantes; elles sont communes des actions sociales et éducatives qui n’ont été ni souhaitées , ni commanditées depuis les institutions, les collectivités ou la sphère politique.

Nous connaissons ces situations qui se répètent: manque de soutiens pérennes, difficulté à accéder à des locaux, déficit de reconnaissance.

Pour comprendre ces constantes, mais aussi la ténacité de ces obstacles , il faut en analyser les processus et découvrir quels points de vue, quelles logiques les sous-tendent.

Les pédagogues sociaux sont ainsi dans la double contrainte de devoir non seulement supporter mais aussi assimiler les logiques qu’on leur oppose. C’est une clef, une nécessité, pour trouver la force , comme la motivationde continuer .

En un mot, il faut des “modèles explicatifs”.

Modéliser les difficultés

Au travers de cette KroniK et des deux suivantes, nous allons tenter de modéliser ces difficultés. Nous allons en faire des “axiomes”, comme en théorie mathématique.

Le premier ce ces axiomes devrait servir à comprendre pourquoi et comment les Institutions, les collectivités, peinent à percevoir l’importance des actions en Pédagogie sociale et cherchent toujours à les assimiler à des actions locales, événementielles, et sans lendemain, en leur déniant leur qualité .

Qu’est ce qui fait que le champ de vision de l’institution soit toujours obnubilé, occupé, et peut être même au final, “bouché”, par de petites actions locales, placées en concurrence, et qui servent de référence?

L’explication est toute simple: les actions sociales souvent irrégulières , qui sont effectuées au plus près des institutions et collectivités, occupent tout le champ d’intérêt et de vision dont celles-ci sont capables, du fait de la proximité de leurs acteurs, avec ces mêmes collectivités et institutions.

Disons les choses différemment, sous la forme justement d’un axiome :

“L’importance éducative, sociale ou culturelle, d’une action, est indirectement proportionnelle avec sa proximité des institutions et collectivités, appelées à les soutenir”

Un simple schéma permet à la fois de comprendre et rendre compte de ce phénomène.

Ce schéma permet de rendre compte d’une disproportion , entre l’importance sociale d’une action et sa distance, relationnelle, sociale, culturelle , ou politique d’une institution ou collectivité.

Une action, même petite, même sans commune proportion avec une autre, peut très bien occuper tout le champ de vision de l’Institution.

A. Obturation du champ de vision institutionnel

Que veut dire , occuper le champ de vision? Il s’agit en fait de phénomènes très simples et très concrets : toutes les activités de l’action “A” sont sur-visibilisées, sur-communiquées; au même moment où les actions plus importantes de l’action “B” ne sont ni vues, ni relevées.

Cet axiome explique en fait pourquoi l’importance sociale d’une action n’est jamais significative, à elle seule, ou en tant qu’elle même. Aucune action n’ a de valeur en elle même, sauf si on la réfère à un champ d’intérêt ou de vision institutionnel, forcément précis et situé dans un point unique et spécifique de l’environnement.

On pourrait dire les choses autrement: on ne voit que ce qu’on éclaire.

B. Le changement vient de la distance

Le second enseignement , lié à ce schéma, sa seconde conséquence , pourrait-on dire , c’est que le changement social, culturel, éducatif ne peuvent se produire qu’à distance des institutions et collectivités. C’est sans doute la conséquence la plus révolutionnaire; celle qu’il est le plus difficile d’admettre et d’assimiler. Il ne peut y avoir de changement que dans la rupture et la faille.

Tant que l’on reste dans ce qui est souhaitable, admissible, attendu, proposé, on ne réalise aucun changement véritable. Tant que l’on reste dans ce qui est visible, on se contente de produire soit du symbolique, soit du “même”.

Il faut sans doute de l’invisibilité pour pouvoir créer. Et la création sociale n’échappe pas à la règle.

La vie a besoin d’obscur.

Plus une structure est dotée, plus elle est coupée de son environnement

Axiomes de Pédagogie sociale (II) : Plus une structure est dotée en moyens et locaux, et moins elle agit sur son environnement

Je me souviens de mon étonnement, quand , jeune en formation d’instituteur, je m’étais retrouvé à être spectateur d’un show incroyable, sur une scène nationale, complètement vide… au coeur d’une cité à l’abandon.

Pas un seul habitant dans la salle; pas un seul enfant d’immeubles d’en face, venu en curieux. Pas un seul passage, pas un seul passant. La Scène nationale tournait le dos à la Cité d’en face qui aurait pu la remplir.

Qu’est ce qui avait raté à ce point, pour qu’une oeuvre coûteuse, luxueuse, tourne ainsi le dos à l’nvironnement le plus immédiat?

Compulsion de discrimination

Plus tard, dans les années 90 et les années 2000, j’ai été témoin de l’ouverture de lieux majestueux, tous situés en quartier populaire, mais structurés comme des îlots au milieu des flots.

Plus tard, à partir des années 2015, j’ai vu des bâtiments orgueilleux, comme des petits structures de quartier, se barricader contre tout public immédiat. Depuis les grilles aux fenêtres, en passant par les sas “anti poussettes”, et les guichets d’accueil dissuasifs et obligatoires, tout y était fait pour tenir à distance d’hypothétiques visiteurs.

Le contratse est poussé à son comble si on jette un coup d’oeil sur les richissimes structures médico-sociales , dotées de parcs, de nombreux lieux, occupés des fractions infimes de temps, tandis que dans la Ville, dans le quartier, une structure populaire chercherait en vain à accéder à un garage, une cave, ou même une boutique abandonnée.

La guerre de l’espace a eu lieu et elle a été gagnée par les fantômes. Par ceux qui occupent sans habiter, qui monopolisent sans abriter , qui détiennent sans partage, par principe et par précaution.

Renversement des missions

Une inversion totale des valeurs a amené à attribuer une estime de principe aux salles de cinéma d’art et d’essai, désertes , aux salles d’exposition , fermées.

Plus que l’efficacité sociale, la capacité à mobiliser les personnes et les groupes, à les sortir de l’isolement où la précarité les conduit, on a mis en avant une éthique supérieure de l’image. Ce qui compte c’ets d’avoir “bonne image”, si possible culturellement prestigieuse, pour mettre à distance ceux dont les besoins sociaux pourraient la ternir, seulement par leur simple présence.

Bien sûr, il reste tant de nostalgiques des années glorieuses de l’Education dite populaire, qui rêvaient d’éduquer les publics mal instruits. Ces derniers des Mohicans, continuent à rejeter la faute de leur exclusion sur les masses supposées ignares, mal éduquées et mal préparées à la vraie “valeur”.

Mais ces derniers combattants d’une mauvaise guerre sont eux même en difficulté, quand il s’agit de justifier de leur simple présence , ou de leur propre activité. Dans un combat d’arrière garde, ceux ci prétendent aujourd’hui se battre pour la civilisation, contre la barbarie, pour la vraie culture , contre l’inculture supposée de ceux dont ils craignent que leur misère soit contagieuse.

Que vaut une salle de théâtre municipal, qui en définitive n’ouvre son espace, à un public lointain et déjà convaincu (certes prêt à “payer”)… que 40 soir par an?

Imaginons ensemble tout ce à quoi elle pourrait servir, si au lieu d’attendre du public, elle se mettait au service des publics?

Espace d’initiatives, d’entraînement à la mise en scène, à la création artistique et culturelle (plus qu’à sa distinction), outil de création collective, voilà que le sanctuaire culturel, en passe de devenir un cimetière, pourrait devenir un lieu vivant, en un mot, un centre de vie , social et urbain.

Donner des leçons de vie, par le simple exemple, par la mise en pratique indiscutable, n’enrichit pas son homme, ni son organisation. Mais c’est le seul fil rouge qui nous maintienne au contact de la réalité sociale et à ses transformations , à l’ère des cataclysmes.

Il en faut du courage pour ouvrir; il en faut de la peur pour fermer, pour préserver, enterrer, se faire oublier.

Mais nous sommes entrés dans une ère de l’oubli impossible, au stade limite du refoulement.

A force de mettre tout le monde dehors, il n’y aura plus personne dedans. Alors les moquettes moisies s’endormiront dans la poussière , et les scènes où devrait briller ce qui naît , ce qui porte la vie, s’endormiront dans l’obscurité.

l’Amour du vide

Une étrange fringale anime nos élus et nos institutions; il faut du vide. L’espace public, la vie publique ne sont jamais aussi belles, que quand elles se réduisent à des lieux privés (de vie), des murs clos, des barrières sociales.

Il faut que le quartiers soient vides de toute vie et de toute présence sociale, forcément dérangeante. Il faut que les façades soient belles, que les enseignes luisent, abritant des locaux vides de toute utilité sociale.

Il faut la paix des cimetières, la tranquillité de l’invisibilité des indésirables. Une ville ne sera belle que si , telle un décor de cinéma, elle se résume à des façades en carton coloré.

Les projets sont épais, les intentions culturelles , éducatives, mises en avant sont phraseuses ; le Social est objet de discours, de postures, d’alibis. Mais il ne vit plus; il n’invente plus; il ne fait ni vie, ni centre.

la Liberté a un coût

Souvent nous suscitons quelques commentaires envieux, ou acides lorsque nous rendons compte avec quelle liberté nous intervenons au plus près des gens et des publics.

Nous sommes familiers de cette attitude; c’est un peu comme si nous jouissions de quelque privilège inacceptable. Un peu comme si notre liberté apparaissait dans son plus simple appareil, comme un luxe, une richesse qu’on voudrait nous disputer.

Pourtant cette liberté a un coût et celui ci est connu depuis les Pères fondateurs de la Pédagogie sociale. Tous ont payé le prix de leur libération des mentalités, des institutions. Tous ont payé cher pour leur affranchissement.

Freinet a connu plusieurs exclusions , de l’Éducation nationale d’abord et même… du Parti communiste , par la suite. Freire a connu l’exil. Et Korczak a connu… Treblinka.

Sans aller jusqu’à ces extrêmes, nous remarquons chaque jour comment notre engagement auprès des publics les plus exposés à toutes les violences (économiques, sociales, affectives, sociales et… familiales) , nous exposent à notre tour à des violences supplémentaires.

La liberté se paie et elle se paie cash; elle se paie cher.

Insécurité des subventions; soutiens vacillants; absence de bouclier face à la violence sociale; privation des moyens élémentaires que sont l’accès à des locaux locaux , ou des locaux tout court.

Obligation de payer par nous même, pour tout ce qui se donne, se prête, s’octroie et se confie autrement.

Nous connaissons l’étonnante liberté de payer nous mêmes et de nous sentir ainsi riches.

Au milieu d’un climat de peurs, d’impuissance, d’empêchements qui tend à se dérégler, nous trouvons, parce que nous les payons ,des solutions, là où tant de professionnels et de structures s’arrêtent.

Le mouvement, la danse, le jeu, la joie n’ont pas de prix et méritent nos sacrifices.

La Liberté a un prix et ce coût nous permet d’agir; il nous permet d’être là où nous avons le sentiment, la certitude que nous sommes à la bonne place, au bon endroit. Là où la vie se fait et se défait; là où se défait et se refait la socialité de demain.

La Précarité est un système d’impuissance à grande échelle; elle est la buttée ultime et extrême des institutions. Elle est l’impasse, le point d’aboutissement des politiques et des pratiques qui ne mènent plus à rien. Elle est l’obstacle ultime et total, contre lequel toutes les anciennes solutions sont sans effet.

Apprendre à lutter contre elle commence par accepter de s’y confronter chaque jour, de la regarder en face; de la connaître dans sa logique, et dans son fonctionnement.

Et alors, à partir de là, on peut la faire bouger, y mettre et y puiser de l’énergie.

Avec nous, les bus sont pleins, nos sorties sont rejointes par tous les publics habituellement volatiles. Nos locaux, aussi exigus soient-ils , deviennent des centres, où il se passe et se produit toujours quelque chose.

Nous n’aurions pas pu bâtir, construire et réussir tout cela, sans vent contraire. Nous n’aurions pas pu faire pousser tout cela sur un terrain fertile ou dans un jardin anglais. Il y fallait de la difficulté, et la résistance de la réalité . Il y fallait du contact et l’inertie de la matière.

Et aujourd’hui nous voyons fleurir quantités de nouvelles expériences, et de références à ce que nos mettons à l’œuvre.

Impossible duplication institutionnelle

Nous assistons avec étonnement au fait que ce que nous réalisons depuis tant d’années, devienne une source de préconisations , d’inspiration , pour le pilotage des institutions … avec des réalisations plus tôt inégales.

“Aller vers”; “Pouvoir d’agir”; “travail hors les murs”; les incantations à ce que le travail social noue ou renoue avec la continuité et l’inconditionnalité …, nous observons, avec surprise que le travail institutionnel tente à son tour de se rapprocher de cette liberté que nous avons depuis l’origine, que nous avons depuis notre premier souffle.

Mais on tente de recréer cette liberté “in vitro”, hors sol et hors contexte et il ne faut pas s’étonner dès lors que les meilleures intentions aboutissent communément et paradoxalement au renforcement des pratiques qu’il s’agissait de réformer.

Ainsi le travail “hors les murs” aboutit- il couramment dans les pratiques pilotées par le haut, à transporter vers l’extérieur les cloisonnements et les rigidités qu’il était question de fuire.

Ainsi le mouvement “de désinstitutionnalisation”, aboutit-il le plus souvent à institutionnaliser la vie privée et sociale , et à rigidifier de nouveaux territoires. Ainsi le “développement du pouvoir d’agir”, s’épuise si souvent à renvoyer les gens à leur propre impuissance et à leur manque d’autonomie.

De même , dans le milieu de l’enseignement, la vogue de “la classe inversée”, mène à encore plus d’inégalités sociales et de discrimination scolaire,

De même qu’on ne fait pas l’économie du coût de la Liberté, on ne fera pas davantage l’économie des constats de faillite des institutions qui monopolisent et épuisent aujourd’hui tous les moyens disponibles, que celles ci ressortent du champ de la Culture, de l’Enseignement, de l’Éducation spécialisée et du Médico-social.

On arrivera bientôt à bout des logiques de renflouage et de colmatage des Titanics qui prennent l’eau de toute part. Le plus tôt sera bien sûr, le mieux.

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